Présentation de l’opération

Un héritage en césiumLe projet, Tchernobyl +30Choix des zones de prélèvementChoix des échantillonsLes indicateursLes denrées alimentaires

Le 26 avril 1986, le cœur du réacteur n° 4 de la centrale de Tchernobyl explose.

Les rejets radioactifs massifs de Tchernobyl ont duré dix jours. Les radionucléides projetés par l’explosion ont touché principalement la Biélorussie, l’Ukraine et l’Ouest de la Russie, mais se sont également dispersés sur une grande partie de l’Europe. Des concentrations élevées se sont déposées notamment en Autriche, en Suède, Norvège et en Finlande. La France n’a pas été épargnée : les Alpes, la Corse et l’Alsace sont les régions les plus touchées.

L’importance des retombées radioactives en Europe dépend des trajectoires des masses d’air, de la distance parcourue par le panache et de l’intensité des pluies. Ces retombées ont formé de vastes zones discontinues de dépôts. Localement, les zones d’évacuation sont déterminées à partir de la contamination en césium, strontium et plutonium.

En dehors de la région de Tchernobyl, seul le césium-137 a conduit à une contamination des territoires encore détectable du fait de sa période radioactive. D’autres éléments, comme les isotopes radioactifs de l’iode et les césium-134, ont également contaminé significativement des territoires européens mais ils ont disparu du fait de la plus courte demi-vie de ces éléments.

carte contamination europe

En 2016, trente années se seront écoulées depuis l’accident de Tchernobyl, ce qui correspond à la période radioactive du césium-137. Aujourd’hui, seul ce radioélément est encore détectable en France.

Le projet « Tchernobyl +30 » mis en place par l’ACRO, a pour ambition d’établir une cartographie de la contamination en césium-137 encore présente en France voire en Europe, au moyen d’une grande campagne de prélèvements qui durera de septembre 2014 à décembre 2015.

Cette campagne spécifique vise à répondre à ces deux interrogations :

  1. Combien de césium-137 reste-t-il encore dans notre environnement ?
  2. Quelles denrées alimentaires sont encore contaminées ?

Avec Tchernobyl+30, l’ACRO n’entend évidemment pas cartographier le territoire avec la précision d’un satellite, mais bien donner à chacun d’entre vous la possibilité de regarder « là où cela vous intéresse ». Cette présentation du projet, tout comme le guide pratique, sont là pour vous aiguiller vers des types d’échantillons, selon les questions que vous vous posez. Une base de quelques espèces indicatrices vous est proposée, car celles-ci sont reconnues pour leurs capacités d’accumulation. Ensuite, nous vous laissons la possibilité de prélever les denrées qui vous intéressent ou vous concernent directement. Concernant les périodes de prélèvement, elles seront dictées par la disponibilité naturelle des échantillons au cours de l’année ; automne : champignons ; printemps/été : légumes et mûres ; toute l’année : lichens et sols. Les résultats seront diffusés sur ce site internet au fur et à mesure de la réception et de l’analyse des échantillons, la cartographie finale pourra alors être prête pour le début de l’année 2016.

feuille et trefle bmp

Le choix des grandes zones d’échantillonnage s’explique par les différents niveaux de contamination des sols et par la volonté d’effectuer des prélèvements sur l’ensemble du territoire français. D’après les reconstitutions cartographiques des dépôts radioactifs en France en 1986, il apparaît clairement que c’est l’Est de la France et la Corse qui ont été le plus impactés par les retombées radioactives de Tchernobyl ainsi que les zones montagneuses, entre autres.

Dans le cadre de « Tchernobyl+30 », nous avons choisi de réaliser une stratégie d’échantillonnage en définissant de grandes zones de prélèvements, correspondant approximativement aux grandes régions administratives. L’idée est de mettre l’accent sur les régions qui ont été les plus touchées par les dépôts de 1986 –soit la ligne nord-sud reliant la Corse à l’Alsace en passant par le Mercantour– sans pour autant délaisser le reste du territoire.
Le choix du lieu précis de prélèvement est laissé aux préleveurs qui réaliseront l’échantillonnage, tout en leur apportant les éléments suffisants pour qu’ils puissent choisir un site qui présente les conditions optimales. La précision de la carte réalisée dépendra donc du nombre de prélèvements effectués, ainsi que de la dispersion des prélèvements sur l’ensemble du territoire. Le but n’étant pas l’exhaustivité mais l’information générale.

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Lors de cette campagne, deux types de prélèvements seront réalisés.

Tout d’abord, des prélèvements d’indicateurs identiques à toutes les zones, afin d’obtenir des données environnementales comparables et d’établir une cartographie de la contamination encore présente trente ans après la catastrophe de Tchernobyl.

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Le deuxième type d’échantillonnage sera principalement basé sur divers produits comestibles qui peuvent varier selon les régions. Le but de ces données alimentaires sera d’apporter un complément d’information aux citoyens, concernant la contamination encore présente dans ces produits.

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Les indicateurs inertes
  • Les sols

Pour réaliser cette cartographie, les prélèvements d’indicateurs inertes (ou minéraux) sont indispensables, c’est une lecture directe de la contamination présente.

Le sol est le compartiment de stockage principal du césium-137, mais tous les sols n’ont pas fait l’objet d’un dépôt uniforme : on parle de contamination en tâches de léopard.

Prélèvements dans des zones  “uniformes” : les prélèvements devront être effectués sur un sol plat (moins soumis au ruissellement), sec, non cultivé (le labourage enfouit la contamination plus profondément dans le sol), mais aussi éloigné des installations humaines et des arbres.

Prélèvements dans des zones  “d’accumulation” : les sols aux pieds de pylônes électriques, de hêtres, ou dans les fonds des vallées peuvent constituer, du fait des ruissellements,  de bons sites de prélèvement si l’on cherche les zones dans lesquelles l’accumulation des dépôts de césium-137 ont pu être importants.

Si vous ne devez retenir qu’un seul critère, regardez la topographie : les vallées (ou cuvettes) sont souvent plus contaminées que les sommets à cause du ruissellement des eaux de pluie.

Les caractéristiques physiques et chimiques du sol pouvant faire varier la quantité de radionucléides fixés, on choisira préférentiellement les sols de forêts ou de prairies.

  • Les sédiments

Les sédiments peuvent être prélevés dans les lacs, les étangs et les rivières. Ces sédiments proviennent de l’érosion du sol qui a entraîné avec elle la contamination fixée aux particules du sol. De plus, les particules transportées ont pu fixer le césium qui est retombé dans l’eau par les dépôts atmosphériques. La granulométrie des sédiments est le facteur qui influence le plus la fixation des radionucléides : en effet, plus la taille des particules est faible (vases fines), plus la surface spécifique est grande, augmentant ainsi la capacité de fixation des polluants pour un même volume de sédiment. D’autres facteurs influencent également l’adsorption comme par exemple le temps de contact entre particule et radionucléide, ou encore la présence d’une faune bioturbatrice. Dans les rivières, les sédiments de granulométrie fine se déposent dans les zones de calme hydrodynamique, comme les bras morts.

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Les indicateurs biologiques

Des indicateurs biologiques seront également prélevés, car ils ont la capacité de concentrer le césium-137 dans leurs tissus. Les espèces retenues sont présentes sur une large aire de répartition géographique et, concernant les espèces animales retenues, sont suffisamment sédentaires pour être représentatives de leur lieu d’échantillonnage.

  • Les lichens

Les lichens ne possèdent pas de systèmes de défense et d’élimination des composés inutiles ou impropres à leur développement. Aussi, ceux-ci absorbent et accumulent continuellement toutes les substances avec lesquelles ils entrent en contact tels l’air, l’eau de pluie et les poussières. Toutes ces sources de contamination contiennent potentiellement des radionucléides qui peuvent être absorbés par les lichens. Parmi l’ensemble des espèces de lichens déjà étudiés que l’on trouve en France, nous avons sélectionné l’espèce Xanthoria Parietina pour deux raisons : c’est une espèce que l’on retrouve dans tous les milieux et qui peut être identifiée relativement facilement. Il faut noter que les lichens peuvent être fixés à un substrat organique (branches, souches d’arbres) : ils sont alors dits « épiphytes », ou bien ils peuvent être fixés à un substrat minéral comme une roche ou du béton : ils sont alors dits « saxicoles ». Dans notre cas, des prélèvements de lichens épiphytes fixés sur des troncs d’arbres debout et vivants sont préconisés.

  • La bruyère

La bruyère regroupe un grand nombre d’espèces végétales, mais est souvent associée aux genres Calluna ou Erica. Elle pousse principalement sur des sols acides qui ont une bonne capacité de rétention de la contamination. Le transfert aux plantes étant aussi plus élevé, on retrouve donc dans la bruyère des niveaux de contamination souvent plus élevés que dans les autres plantes. Ces plantes sont directement consommées en tant que pâture par les animaux d’élevage comme les ovins : il y a donc contamination de la chaîne alimentaire. La bruyère peut aussi être consommée par l’homme sous forme d’infusions.

  • Les champignons

Les capacités d’absorption des radionucléides du sol par les champignons sont en partie dues à leur mycélium et aux associations possibles avec les racines de végétaux. Parmi ces espèces dites mycorhiziennes, nous en avons retenu deux : Hydnum rependum, communément appelé « Pied de mouton », et Boletus edulis, nommé « Cèpe de Bordeaux ». Ces deux espèces sont très présentes en France et relativement faciles à identifier. Elles sont souvent ramassées pour être consommées. L’inconvénient majeur de l’échantillonnage des champignons est la période de fructification qui ne dure que quelques mois par an.

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pied de mouton
Lichen (Xanthoria parietina)
Bruyère cendrée

Les denrées alimentaires végétales
  • Les autres champignons comestibles

Même si tous les champignons ne concentrent pas les radionucléides de la même manière, tous se développent dans les premiers centimètres du sol. C’est pourquoi le prélèvement d’espèces comestibles autres que les deux citées ci-dessus est envisagé. Ce second type de prélèvement de champignons aura pour but de compléter l’information du public en répondant directement aux habitudes locales, liées à la consommation d’un type de champignon plutôt qu’un autre.

  • Les baies

Tout comme les champignons, les baies sauvages concentrent la contamination du césium-137 et ont souvent été étudiées et utilisées en tant que bio-indicateurs pour évaluer la contamination et les échanges au sein d’un écosystème forestier. Mais, ces baies sont aussi une des sources d’alimentation du gibier et de l’homme. Les baies ont la particularité d’être de bons bio-indicateurs de l’environnement et d’être directement consommées par l’homme. Parmi les espèces de baies sauvages comestibles que l’on retrouve sur le territoire français, on peut citer les myrtilles, les fraises des bois et les mûres et, pour les baies cultivées, les framboises, les fraises, etc…

  • Les légumes

Lors de l’accident de Tchernobyl, la contamination s’est d’abord faite par dépôt à la surface des feuilles lors des importants rejets atmosphériques. Aujourd’hui, la contamination des végétaux, si elle persiste, est principalement due à la contamination du sol transférée par absorption racinaire.

Les légumes sont des exemples de denrées alimentaires qui peuvent être utilisées pour informer la population des niveaux de contamination des aliments qu’elle produit et consomme, en lien direct avec leur sol.

Si vous hésitez sur les variétés de légumes à choisir dans votre potager, privilégiez les légumes racines et les aromatiques.

Le but de ces prélèvements étant d’informer la population sur l’alimentation, seules les parties consommées seront prélevées et analysées. Le prélèvement sera effectué lorsque la partie concernée du légume choisi sera suffisamment développée (à maturité).

Afin de garder la possibilité de détecter d’autres sources de contamination atmosphériques (rejets de routine d’installations nucléaires proches, ou accident par exemple) nous recommandons d’effectuer le prélèvement dans des cultures de plein champ et non sous serre.

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pied de mouton
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Les denrées alimentaires animales

  • Le gibier

Après l’accident de Tchernobyl, les premières constatations de la contamination du gibier sont faites sur les rennes semi-sauvages du nord de l’Europe. La contamination des rennes s’est faite par la consommation des nombreux lichens qui avaient capté les dépôts atmosphériques de l’accident. La contamination suivant l’année de l’accident a conduit à l’abattage de nombreux rennes qui étaient très contaminés, et donc non consommables. Sur le territoire français, les espèces de gibiers contaminées sont celles qui cherchent leur nourriture dans le sol ou qui mangent de nombreux champignons (eux-mêmes pouvant être très contaminés), par exemple les sangliers et les blaireaux.

  • Les poissons

Dans la continuité de l’analyse des sédiments aquatiques, ou pour répondre aux interrogations des pêcheurs concernant la consommation de leur pêche, une analyse sur des poissons peut être réalisée. Il faut privilégier si possible l’analyse de poissons de fond, car ces espèces vivent et trouvent leur nourriture dans le fond des lacs et des cours d’eau, et sont donc directement en contact avec les sédiments potentiellement contaminés. Les poissons carnassiers peuvent également être pêchés car ils représentent un deuxième maillon de la chaîne alimentaire, et ont pu accumuler la contamination présente dans leurs proies.

  • Le lait et les produits laitiers

Le lait est un indicateur important des contaminations de l’environnement par des radionucléides et est souvent utilisé pour les suivis de contrôle de la radioactivité dans l’environnement proche des installations nucléaires. La contamination que l’on trouve dans le lait provient de la contamination présente dans l’herbage brouté qui a subi plusieurs processus métaboliques au sein de l’organisme.

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sanglier
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Brochet

 

Un guide pratique à l’attention des préleveurs volontaires est disponible sur ce site (à télécharger dans la rubrique « participez »). Il détaille les méthodes de prélèvement et les quantités nécessaires pour chaque échantillon, afin que l’équipe du laboratoire puisse analyser facilement vos échantillons. Alors n’hésitez plus ! Devenez un préleveur volontaire ! Dernier rappel : avant de vous lancer dans les prélèvements, contactez l’équipe du laboratoire pour préparer au mieux votre propre campagne et pour qu’on vous envoie la fiche de prélèvement à renseigner et à nous retourner avec les échantillons.
ou 02 31 94 35 34.